Voir son roman adapté sur grand écran, c'est le rêve de tout
écrivain. Quand on réalise tout à coup que notre histoire va prendre une autre
forme, rejoindre un public différent qui va désormais peut-être s'intéresser à
nos livres, on doit se pincer pour y croire. Toute notre vie on s'est dit que
ces affaires-là, ça existe juste dans les contes de fées. Ben c'est un conte de
fées qui s'est offert à moi il y a quelques mois et dans lequel je suis plongée
jusqu'au cou depuis quelques semaines.
Dans mon cas, l'achat des droits cinématographiques par
Gaëa Films venait avec une condition: je devais accepter d'écrire le scénario.
Si je disais non, l'offre tombait à l'eau. J'ai dit oui. Mais j'avoue que je ne
savais pas vraiment dans quoi je mettais les pieds. J'y allais au pif. Mais
comme l'a déjà dit Ray Bradburry:
« Si nous n'écoutions que notre intellect, nous n'aurions jamais d'histoires d'amour. Nous
n'aurions jamais
d'amitiés. Nous ne démarrerions jamais d'entreprises, parce que nous serions
cyniques... Eh bien, c'est un non-sens. Il faut tout le
temps sauter du haut des falaises et bâtir ses ailes dans la descente. »
J'ai donc sauté dans le vide. Au moment
d'écrire ces lignes, je descends encore. Et mes ailes ont commencé à pousser.
Ce n'est pas évident de prendre un roman de
360 pages bien denses pour en faire un scénario de 120 pages bien aérées. Ça
implique de sortir l'essentiel du récit, de repérer ce qui, au cinéma,
deviendrait une digression. Faut « dégraisser » l'histoire, trouver
LE fil conducteur cinématographique là où il y en a trois à l'écrit.
Je comprends les écrivains qui refusent le
défi, même quand on leur offre sur un plateau d'argent, même avec la paie substantielle
qui accompagne ce genre de travail. Parce que ça demande de l'imagination en
titi pour prendre un paragraphe qui se déroule en entier dans la tête d'un
personnage et le transformer en actions et en dialogues. Des fois, il faut
faire des changements, fusionner des personnages, en laisser d'autres de côté.
Il arrive même qu'on doive en créer pour conserver la cohérence du récit.
Si, comme le disait Stephen King, écrire un
roman, c'est déterrer le squelette d'une histoire avec un petit pinceau d'archéologue,
écrire le scénario d'un film à partir d'un roman implique parfois de changer un
os du squelette. Ce qui passe bien dans un roman ne passe pas nécessairement
bien à l'écran. Ça crève le cœur, mais c'est comme ça.
Pour ma part, j'ai pris le parti de voir
les choses autrement. J'écris ce qui serait une deuxième version de l'histoire
de Yukonnaise. Quelque chose de plus concentré,
de plus intense aussi. Et j'ai du fun
comme c'est pas permis! Certains jours, je m'amuse tellement que je me dis que
c'est moi qui devrais payer Gaëa Films pour avoir le droit de jouer avec mes
personnages comme je le fais. Heureusement pour mes finances personnelles, mon
agent est contre cette idée et se sert de son droit de veto pour s'opposer à toute proposition de ce genre.
N'empêche, je sais que je vais décevoir des
gens. Je suis obligée de couper dans l'histoire, et il y a nécessairement des
lecteurs qui vont être déçus de ne pas retrouver à l'écran TOUT ce qui était
dans le livre. Mais pour ce faire, il aurait fallu une minisérie étalée sur
deux ans!
Je pense beaucoup ces temps-ci à George R.
R. Martin, l'auteur de A Game of Thrones.
Et je pense aux scénaristes qui ont travaillé à partir des romans. Je leur lève
mon chapeau. Parce que même si j'ai beaucoup aimé la première saison à HBO,
j'ai été déçue de ne pas retrouver à l'écran tout l'humour, toute la verve et tout
le cœur de Tyrion.
L'expérience que je suis en train d'acquérir en ce moment me
prouve que si j'ai tellement aimé Tyrion et si je le connaissais aussi bien,
c'est que le roman m'avait permis d'entrer dans sa tête, de penser avec lui et
de souffrir avec lui. La lecture m'avait aussi permis d'apprécier les origines de sa bonté. Toutes ces choses sont IMPOSSIBLES à rendre à l'écran. Il aurait fallu une saison complète de
la minisérie juste sur Tyrion. Puis une autre sur Jon Snow, puis une autre sur
Aria, etc. Ça n'aurait plus eu de fin et nous, en tant que spectateurs, nous
nous serions lassés.
J'en arrive à la conclusion qu'il y a des prouesses qu'on ne peut raconter
que dans un roman parce qu'un roman, c'est multidimensionnel. Ça s'étire
autant qu'on veut, tant qu'on en a besoin. Un film, ça dure deux heures. Mais en deux heures, on peut faire d'autres sortes de prouesses. Comme vous faire chavirer le coeur en vous racontant une bonne histoire et en vous immergeant visuellement et émotivement dans la vie yukonnaise.
J'espère que le film qu'on tournera avec mon scénario vous
plaira. Moi, je l'adore!
Wow, ça m'a l'air d'une super expérience! :)
RépondreSupprimerJ'ai vraiment hâte de pouvoir comparer les deux versions! :)
Moi aussi!
RépondreSupprimerOh j'ai vraiment hâte de voir comment il sera transposé à l'écran ! :)
RépondreSupprimerÀ quand peut-on s'attendre de le voir ce film?
RépondreSupprimerInteresting thhoughts
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