jeudi 10 décembre 2015

Prendre soin des auteurs qui commencent



Cette semaine, Anne Rice relayait sur Facebook cet article de The Independent. (L'article apparaît en cliquant sur le mot article. Fichu de blogue qui change tout le temps!)

Elle ajoutait, en introduction de l'article : « I well remember the Doubleday editor who told me that "Interview with the Vampire" lacked the plot, characters, or writing finesse necessary for a hardcover novel. Fortunately not everybody agreed with him. »

Anne Rice, comme JK. Rowling et George Orwell et combien d'autres, a reçu des lettres de refus.  J'ai déjà parlé des miennes sur ce blogue, photo à l'appui, mais aujourd'hui, ce dont je veux parler, et qui est aussi le sujet de l'article partagé par Anne Rice, c'est de la relation entre l'auteur débutant et son éditeur. Une relation que j'ai vue s'effriter au fil des ans.

Pour être précise, je devrais dire que ce qui m'intéresse, et que je vois en disparaître, c'est la relation entre un auteur qui commence dans le milieu et son directeur littéraire.  Dans certaines petites maisons, l'éditeur et le directeur littéraire sont une seule et même personne. Dans la majorité des maisons d'édition, cependant, il s'agit de deux postes différents occupés par des personnes différentes... quand le poste de directeur littéraire existe.

Je vais vous raconter comment c'était, dans le temps. (Dans le temps, ici, remonte à un peu plus de dix ans)

Quand mon manuscrit a été choisi pour le prix Robert-Cliche de 2002, Jean-Yves Soucy, le directeur littéraire de VLB éditeur à l'époque, avait demandé à me rencontrer pour qu'on discute du travail à faire sur mon texte. Je me suis rendue à Montréal, on s'est installé dans son bureau et il m'a remis le rapport de lecture, que j'ai lu du début à la fin en hochant la tête. Toutes les faiblesses que Jean-Yves avait relevées étaient justes. Alors j'ai dit : « Tu me donnes combien de temps pour faire ce travail? »

Là s'est terminée la négociation. Parce qu'il n'y avait rien à négocier; je commençais.

J'ai suivi tous les conseils et quand le livre est sorti, il a rejoint tout de suite un très vaste public. Certes, il a déplu à une certaine intelligentsia qui attendait du prix Cliche un roman plus littéraire. Mais pour les autres, pour ceux qui, souvent, ne lisent pas de livre primé, ils ont aimé. Aimé assez en tout cas pour lancer ma carrière. Et Jean-Yves était là, pour me dire quelles critiques écouter, lesquelles il fallait ignorer. Pour me donner les trucs nécessaires pour survivre à mon premier Salon du livre de Montréal, pour m'installer à côté de Pauline Gill, une doyenne, qui avait l'habitude du SLM.

Pendant l'année qui a suivi la publication du tome 1, Jean-Yves m'a appelée une fois par mois. Juste pour savoir où j'en étais dans l'écriture de la suite. Il voulait savoir si ça avançait à mon goût, si j'éprouvais des difficultés. Mais surtout, il voulait me montrer qu'il me soutenait afin que je garde suffisamment confiance en moi pour mener à terme mon deuxième roman.

Puis il a refusé mon deuxième roman. Bon, pas refusé complètement, mais il voyait que mon deuxième texte avait perdu ce qui faisait l'âme de mon premier. Alors il m'a souligné les bons points du premier en les mettant en contraste avec le tome 2.

On était au téléphone. Je pleurais comme un bébé. Puis je lui demandé, penaude : « Tu ne le veux pas? »

Sa réponse est venue tout de suite. « Évidemment que je le veux! Mais il faut le retravailler. »

Il m'a envoyé par courriel le rapport de lecture et, cette fois encore, j'ai suivi ses recommandations à la lettre. J'étais contente de voir que les faiblesses du premier tome, sur lesquelles j'avais beaucoup travaillé, n'étaient pas relevées dans le rapport sur le tome 2. Ça voulait dire que j'avais appris.

Le tome 2 est sorti et mon public s'est élargi.

Puis j'ai écrit le tome 3. Jean-Yves a espacé les téléphones en m'appelant un mois sur deux, toujours pour savoir comment ça allait. Cette fois, après avoir lu le manuscrit, il m'a simplement envoyé mon rapport de lecture avec un Bravo! écrit dans le haut. Pas de réécriture majeure. Tous les points faibles des tomes 1 et 2 avaient disparu, ce qui fait qu'on me faisait travailler sur autre chose. Pour que je m'améliore. Parce que ça n'aurait servi à rien de me faire travailler sur ces nouveaux points tant que je ne maîtrisais pas les premiers points.

J'ai ensuite écrit 1704. Encore là, un mois sur deux, je recevais un coup de fil de Jean-Yves qui, comme toujours, voulait savoir comment ça allait. Il était bien fier, à la fin, de m'envoyer simplement le rapport de lecture. Tout comme il était vraiment content du travail que j'ai fait sur le manuscrit avant de le lui renvoyer.

Et ainsi de suite jusqu'en quelque part dans le milieu de la série Lili Klondike, quand il est devenu éditeur et qu'il a laissé sa place de directeur littéraire à Marie-Pierre Barathon.  

C'est là que le jeu a changé pour moi. C'est là que mon travail d'écriture a commencé à se faire dans la solitude, sans support mensuel. Mais c'était OK. J'avais beaucoup appris et j'étais capable de voir les faiblesses de mon texte au fur et à mesure que je l'écrivais. Ce qui fait qu'après mes réécritures personnelles, je n'avais plus qu'à envoyer mon manuscrit à Marie-Pierre qui m'appelait pour me donner ses commentaires.

Je n'avais plus besoin de mentor, juste d'une directrice littéraire.

Aujourd'hui, je travaille avec Mélikah Abdelmoumen. Une perle! Et je ne l'échangerais pour rien au monde tellement on se comprend, elle et moi. On se jase seulement quand on travaille sur le manuscrit, mais je la porte dans mon coeur toute l'année. Des fois, en cours d'écriture, je l'entends me dire : « Je doute, ici! »

Depuis quelques années, le genre de mentorat que Jean-Yves m'a offert n'existe plus. Les auteurs qui commencent sont laissés à eux-mêmes pendant qu'ils écrivent leur deuxième et leur troisième roman. Certes, ils progressent grâce au travail de direction littéraire, mais pendant l'écriture, ils sont fin seuls avec leurs doutes et leurs angoisses. Et l'ensemble du métier d'écrivain leur demeure caché, comme un secret qu'il leur faut découvrir à force de se casser les dents ou d'avoir l'air niaiseux.

Dans certaines maisons d'édition, il n'y a même plus de direction littéraire! On reçoit le roman, on le corrige et on l'imprime.

Il y a des jours où je me dis que rendu là, un auteur est quasiment aussi bien de s'autoéditer. Tant qu'à n'être jamais vraiment reconnu par l'intelligentsia littéraire, aussi bien faire de l'argent.  

lundi 30 novembre 2015

Petite conversation autour du roman policier, par Benoît Bouthillette



Cette semaine, je partage avec vous une réflexion que Benoît Bouthillette a publiée dans l’Alinéa, Automne 2015. Avec la permission de Benoît, évidemment.

Lors d’un récent souper organisé par l’AAAE, je discutais avec l’ancienne présidente, Madame Ginette Bureau, qui me faisait part de sa réticence à lire du roman policier. Sa perception du côté malsain associé au genre était née d’une conférence donnée par un auteur, où ce dernier exposait la part d’ombre de l’humanité intrinsèque à cette littérature. Je tentai de la rassurer en lui disant que, justement, la littérature policière ne se complaisait pas dans la recherche de la part sombre de l’humain, mais qu’elle trouve au contraire son sens à la combattre.

À notre table était assis André Jacques, auteur de polars reconnu, auquel j’adressai cette question : « Cher André. Serais-tu d’accord pour dire que ce qui distingue le roman policier du roman classique, du moins dans sa forme actuelle, c’est que la littérature policière est une littérature du Nous ? Là où le roman traditionnel s’est lentement enlisé vers une littérature du Moi, où le monde est souvent réduit au champ de plus en plus restreint de l’écrivain, le roman policier cherche encore à parler d’enjeux de société ? »

Et sa réponse fut : « Oui, c’est une littérature globale qui embrasse les côtés sombres de l’humain. non pas par simple voyeurisme, mais pour les illustrer et les dénoncer. C’est aussi, à mes yeux, la littérature qui, de nos jours, remplace le mieux la littérature réaliste et sociale des siècles précédents. C’est elle qui plonge le mieux dans la partie cachée et parfois immonde de nos sociétés modernes. Si le Zola de La Bête humaine, le Hugo des Misérables ou le Dostoïevski de Crime et Châtiment ré- écrivaient aujourd’hui leurs œuvres, je crois qu’ils opteraient pour une forme qui s’approcherait beaucoup du polar. »

(Lors d’une rencontre avec Mylène Gilbert-Dumas, nous avions justement évoqué la vidéo de Marguerite Yourcenar où elle traite du paradoxe de l’écrivain en ces termes : « C’est que deux choses à la fois sont vraies et contradictoires. L’une est que l’écrivain doit être profondément soi-même. Il doit avoir un apport personnel à donner. L’autre, c’est qu’il doit s’oublier soi-même, sortir de soi-même, faire table rase de soi-même. »

La littérature de plus en plus autoréférentielle s’éloignerait donc de cet idéal. Lorsque Victor Hugo dit « Quand je vous parle de moi, je vous parle de vous » en préface à ses Contemplations, il nous avise que le deuil dont témoignera son recueil est celui de tout père à la perte de son enfant et de tout homme contemplant la mort.

Mais si le cortège funèbre de Hugo a été suivi par des millions de Parisiens, c’est qu’il écrivait une littérature populaire où l’auteur s’effaçait derrière ses personnages, personnages en lesquels se reconnaissait le peuple.)

Mais cette part sombre de l’humain qu’André Jacques évoquait et dont témoigne le roman policier, ce dernier contribue-t-il justement à la pourfendre en faisant part d’une lutte à la combattre ? Car, là où la littérature dite classique se contenterait d’exposer les noirceurs de l’âme (nommer le mal, en dé- tailler les symptômes, c’est bien, mais c’est se contenter du diagnostic. C’est la première étape vers la guérison, mais aucun remède ni traitement n’a été prescrit), le roman policier contribue peut-être à s’y objecter en exposant une manière de l’affronter ?

En effet, si le roman policier est actuellement si populaire, peut-être est-ce en raison de la recherche de sens qui structure l’enquête, cette volonté d’évincer le mal dans nos sociétés où la perte de repères accompagnant le rejet de la morale a entraîné un désarroi éthique ? (Même si, ultimement, le roman policier n’est qu’une fable où l’humain donne un sens à sa tentative de dominer la mort…) au-delà de l’anecdote, les enjeux exposés dans le roman policier ne sont-ils pas toujours l’affrontement du bien et du mal, la quête de justice pour pourfendre l’injustice — humaine et divine —, des thèmes ancrés dans l’imaginaire collectif depuis Homère ?

Lors d’une récente conversation avec Norbert Spehner, critique émérite, nous en étions arrivés à nommer le roman policier « une littérature de l’évasion » (le clin d’œil carcéral ne nous échappant pas) et, par extension, toute forme de littérature de genre ou populaire faisant explicitement référence à sa capacité à emmener le lecteur dans des univers nouveaux.

Lorsque je lis James Lee Burke, par exemple, ce sont tous les codes moraux de La Louisiane et de l’Amérique, ses blessures et ses tentatives de rédemption, qui me happent et m’entraînent dans des contrées inconnues. En nous parlant du pays où il est né, en faisant en sorte que ses personnages incarnent ses propres tribulations, en nous faisant part de leurs espoirs et de leur soif de justice, et en variant ainsi les points de vue, Burke accomplit ce que la littérature réussit le mieux : susciter l’empathie, créer une ouverture sur le monde.


Benoît Bouthillette publie cet automne L’heure sans ombre aux Éditions Druide. Il s’agit du nouveau volet des enquêtes de l’inspecteur Benjamin Sioui.

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Mot de la Doyenne: Si vous ne l'avez jamais écouté, je vous recommande fortement ce vidéo de Marguerite Yourcenar sur le métier d'écrivain.


lundi 23 novembre 2015

Comme un attentat au Salon du livre de Montréal

Photo piquée sur la page Facebook du  Salon du livre de Montréal 2015


Si vous étiez au Salon du livre de Montréal samedi matin, un peu avant midi, vous avez vécu un événement exceptionnel.

Il était, il me semble, passé 11 h 30 quand a retenti dans le salon du bruit de pétarade semblable à celui d'une mitraillette. Trente secondes, c'est tout ce que ç'a duré, et le temps s'est arrêté.

Nous étions cinq ou six mille. On aurait pourtant entendu une mouche voler. Un silence lourd d'appréhension écrasait la grande salle du salon comme une chape de plomb. En attente, chacun cherchait sous le ronronnement de la ventilation un indice qui aurait trahi la présence d'une Kalachnikov, peut-être au premier étage...

Et tout le monde, sans exception, pensait à Paris.

Pendant une minute, une minute et demie, la perspective d'un attentat a habité tous les esprits, a fait s'emballer toutes les imaginations. Et Dieu sait qu'il y en avait, de l'imagination, dans ce salon du livre! Nous n'étions plus des auteurs, des éditeurs, des lecteurs ou des commis de kiosque. Nous étions des êtres humains pétrifiés.

Comme le silence s'est poursuivi, l'activité a repris, tout doucement. Ici et là, on entendait des soupirs de soulagement et des rires nerveux. Puis les conversations ont effacé toute trace de la menace.

On n'a jamais su ce que s'était passé. Un marteau-piqueur, une perceuse. Qu'importe! Pendant ce court moment, nous avons tous pris conscience de la précarité de la vie. Et nous avons senti dans nos tripes à quel point personne n'est à l'abri.   Ni ici, ni ailleurs, à Paris, Beyrouth, Damas, Bamako, New York ou dans n'importe quel autre ville rendue tristement célèbre depuis quinze ans.

Évidemment, une heure après l'incident, tout le monde l'avait oublié. La peur avait fait place à la frénésie des rencontres entre les lecteurs et les auteurs, entre des auteurs et d'autres auteurs, et entre des auteurs et des éditeurs.

Oui, depuis, la vie a repris son cours. Mais pour moi, rien ne pourra effacer le fait que samedi, un peu avant midi, pendant une minute, une minute et demie, cinq ou six mille Québécois ont communié avec le reste de l'humanité. 

jeudi 12 novembre 2015

Les idios kosmos et la littérature

Je vous demande aujourd'hui de lire ce texte avec ouverture, mais aussi de faire preuve d'indulgence envers moi et envers vous-même si vous ne comprenez pas tout de suite où je veux en venir.  Je m'en vais quelque part, faites-moi confiance.


Tout d'abord, laissez-moi vous expliquer le sens du titre que j'ai choisi pour ce billet.

L'idios kosmos, c'est la vision personnelle que chacun de nous a de l'univers dans lequel nous vivions. C'est l'image de la réalité qu'on a dans notre tête, résultat de l'interprétation par nos sens de notre expérience de la vie et de ce qu'on nous en a dit. C'est subjectif au possible. (Idios kosmos sur Wikipédia (désolée, il n'y en a pas en français.))

L'opposé d'idios kosmos, c'est koinos kosmos, l'univers objectif, la réalité sur laquelle tout le monde s'entend.

Vous vous rappelez vos maths de primaire, quand on explorait la théorie des ensembles? Ben c'est drette ça. Imaginez deux ensembles, la vision du monde d'Alice et la vision du monde de Béatrice. La zone commune, c'est le koinos kosmos. (en rose dans la figure ci-dessous)



Mais voilà! Quand il s'agit de l'univers ou de la réalité, le koinos kosmos n'existe pas.

Pour reprendre les mots d'Emmanuel Carrère, dans Je suis vivant et vous êtes morts, sa biographie de Philip K. Dick, le réel est impossible à appréhender directement, puisque filtré par la subjectivité de chacun. Cela signifie que le consensus à son sujet est une tromperie. 

Autrement dit, ce qu'on pense être la réalité est une convention, purement et simplement. Mais c'est aussi une illusion parce que je ne peux jamais être dans la tête de mon voisin pour percevoir exactement sa vision du monde.

Pourquoi je vous parle de ça? Parce que cette semaine, une amie m'a fait parvenir un texte du Guardian intitulé: Middlebrow? What's so shameful about writing abook and hoping it sells? 

Le terme middlebrow n'a pas d'équivalent en français si ce n'est lecteur moyen. À une certaine époque, on qualifiait de middlebrow ceux qui lisaient les livres qu'il fallait pour bien paraître dans une certaine société. On les mettait en opposition avec les autres, les intellectuels qui, eux, lisaient par goût ce qu'ils avaient envie de lire. Et ça adonnait qu'ils aimaient lire ce qu'on appelle aujourd'hui de la littérature littéraire.

De nos jours, on associe le terme middlebrow à une littérature qui explore l'émotion et les sentiments plutôt que l'écriture académique et l'innovation. C'est une autre façon de distinguer le populaire du littéraire.

L'auteure du texte du Guardian est justement une de ces «middlebrows», c'est-à-dire une lectrice moyenne, de la classe moyenne et âgée entre 40 et 65 ans (le middle age, en anglais).

Et je vous jure qu'elle n'était pas de bonne humeur, la madame. Au point de prendre la plume pour écrire un texte d'opinion et l'envoyer au Guardian. En gros, elle dénonçait le fait qu'on méprise ce qu'elle lit et que, par la bande, on la méprise elle pour oser lire ce qu'elle aime lire.

Ses propos me rappelaient des conversations que j'ai eues avec des auteurs dits littéraires, mais aussi certains commentaires reçus sur ce blogue. En lisant son texte, la conclusion m'a sauté aux yeux.

Parce que nous sommes tous prisonniers de notre idios kosmos, incapables de saisir la réalité telle qu'elle est ni de percevoir la réalité telle que perçue par les autres, nous entretenons, dans le milieu littéraire, un dialogue de sourds.

Depuis que je suis devenue écrivaine, le milieu essaie de m'imposer une vision centriste de la littérature. On met la littérature dite littéraire au centre du monde, avec l'étiquette Littérature consacrée, un peu comme on plaçait la Terre au centre de l'Univers autrefois.



Cette vision du monde nous permet de conclure que c'est cette littérature littéraire qu'on doit enseigner, que c'est elle et elle seule qui a de la valeur dans notre société et que c'est à elle seule qu'on doit remettre des prix. Toutes les autres littératures lui sont extérieures et inférieures et constituent ce qu'on appelle la paralittérature. 

Quels sont les principaux critères pour regarder de haut la paralittérature? Elle s'adresse en général au lecteur moyen (l'accent est donc mis sur l'histoire et non sur l'écriture elle-même) et elle se vend assez bien (en tout cas beaucoup mieux que la littérature dite littéraire).

Et comme les planètes dans le système planétaire d'avant Copernic, ces paralittératures gravitent à l'extérieur de la littérature dite littéraire.  Tellement à l'extérieur qu'Emmanuel Carrère a écrit au sujet de Philip K. Dick:  «Il s'était fait à l'idée qu'un obstacle à la fois incompréhensible et infranchissable, comme un champ magnétique, le séparait de cette terre promise, la littérature respectable. »

Alors, après y avoir réfléchi et avoir confronté mes idées à celles d'auteurs qui ne les partagent pas le moins du monde, j'ai une alternative à proposer pour remplacer la  convention littéraire actuelle, que je trouve dépassée.

Premièrement, au lieu de dire littérature littéraire, ou littérature consacrée, ou littérature respectable, ou what ever autre dénomination élitiste, on pourrait faire comme en Europe et l'appeler littérature blanche. (Je ne sais pas à quoi se réfère le qualificatif blanche, mais je soupçonne que c'est en lien avec la sobriété des couvertures).

Au lieu d'en faire le centre du monde littéraire, on n'a qu'à la considérer comme un genre à part entière. Cette littérature blanche a un public bien précis avec une écriture bien précise. Comme n'importe quelle littérature de genre. 

À côté de la littérature policière, de la littérature de science-fiction, etc., il y aurait désormais la littérature blanche. Point à la ligne. Ce n'est pas une question de jugement de valeurs, mais de genre littéraire. 

Ce nouveau paysage littéraire ressemblerait à ceci:


Certains ensembles se recoupent, d'autres se recouvrent complètement, d'autres sont en quelque sorte isolés parce que totalement différents. Aucun ne se trouve au centre de l'univers. Aucun n'est meilleur, ils sont tous différents ou semblables, selon le penchant de l'auteur et les intérêts des lecteurs.

Évidemment, pour arriver à cette vision du monde de la littérature, il est nécessaire de modifier la convention. Ce n'est pas une chose si difficile à faire quand on réalise que cette convention fait partie du koinos kosmos et que ce koinos kosmos n'est qu'une illusion. 

Comme le disait à peu près Héraclite, celui qui croit dur comme fer que sa vision du monde (son idios kosmos) est la réalité dort au gaz. Seul celui qui doute est éveillé.


lundi 26 octobre 2015

Littéraire, populaire, les prix, les ventes et la voix (celle de l'auteur, pas l'émission de télé)

Elisabeth Tremblay (prix Suzanne Pouliot et Antoine Sirois) et Sarah Rocheville (prix Alfred-Desrochers)

Ce matin, j'ai envie de vous faire part d'une idée qui me trotte dans la tête depuis une semaine.

Sachez d'abord que pendant le dernier Salon du livre de l'Estrie, on a remis pour la première fois le Prix du roman jeunesse Suzanne Pouliot et Antoine Sirois à Elisabeth Tremblay pour son roman Tu vivras pour moi. Le même soir, on remettait le prix littéraire Alfred-Desrochers à Sarah Rocheville pour son roman Go West Gloria. Jusque-là, tout va bien.

Le lendemain, cependant, La Tribune publiait un article intitulé: Go West, Gloria récompensé (L'article est ici.)

...

Dimanche dernier avait lieu à la Maison bleue une petite cérémonie en l'honneur des lauréates. L'invitation envoyée aux membres de l'Association des auteures et auteurs de l'Estrie se lisait comme suit:

«C’est avec plaisir que nous invitons les lauréates des Prix littéraires de l’AAAE à venir faire leur « lancement », à la Maison bleue, pour le prochain Lancement-brunch! 

Madame Sarah Rocheville, récipiendaire du prestigieux prix Alfred-DesRochers, sera présente avec son œuvre : Go West, Gloria!

Elle sera accompagnée de Madame Élisabeth Tremblay, récipiendaire du nouveau prix Suzanne Pouliot-Antoine Sirois, avec son œuvre : Tu vivras pour moi! »

...

Si vous voyez ce qui cloche avec ces deux incidents, vous êtes probablement un(e) auteur(e) populaire. Si vous trouvez que tout semble normal pis que je m'excite le poil des jambes pour rien, vous êtes probablement un(e) auteur(e) littéraire.

C'est que ces deux manières de présenter l'événement manifestent une forme de mépris pour la gagnante du prix jeunesse. Comme si son livre avait moins de valeur que celui du prix Alfred-Desroches. Si vous trouvez que c'est effectivement le cas, vous êtes sans aucun doute un(e) auteur(e) littéraire. Et vous ne comprenez pas pourquoi ça me dérange autant. C'est une question de paradigme.

Car voyez-vous, cette forme de mépris, assez insidieuse et que seuls remarquent souvent les auteurs populaires, c'est un peu comme le sexisme ordinaire. Celui que seules remarquent les femmes (ou presque). Prenez par exemple le début du texte de La Tribune.

Après le triomphe de son partenaire de vie en 2014, c'est au tour de Sarah Rocheville, pour son premier roman Go West, Gloria, de remporter le Prix Alfred-DesRochers de l'Association des auteures et auteurs de l'Estrie remis dans le cadre du Salon du livre de l'Estrie.

 Aurait-on mentionné en début de texte le «triomphe de son partenaire de vie en 2014» si Sarah avait été un homme? Je ne pense pas. De la même manière, pendant le petit événement sympathique de dimanche, à la Maison bleue, si les deux lauréates avaient été des hommes, personne n'aurait pensé à leur demander comment elles conciliaient travail/famille/écriture. (Oui, on leur a posé cette question.)

La plupart des hommes diront que les femmes se plaignent pour rien si elles dénoncent ces deux incidents. Pour les femmes, cependant, il s'agit de sexisme discret et insidieux.
...

À un moment donné, pendant ce petit événement à la Maison bleue, un de mes amis a lancé: «Au fond, nous, les auteurs, on est tous jaloux. Ceux qui gagnent des prix voudraient vendre des livres et ceux qui vendent des livres voudraient gagner des prix. » Tout le monde a ri, moi aussi, mais cette phrase m'a trotté dans la tête toute la journée.

Je me disais: «Est-ce que c'est vrai? Est-ce que c'est vraiment ça que je veux, gagner des prix? Est-ce que c'est ça que veulent mes amis auteurs grand public? auteurs jeunesse? auteurs de romans de genre?

La réponse est non. Oh, c'est certain que c'est toujours plaisant de gagner un prix et de pouvoir écrire ça dans son CV. C'est certain aussi qu'il y a autant d'ego chez les auteurs populaires que chez les auteurs littéraires et qu'il y a partout des auteurs fâchés de ne pas gagner.

Mais ce n'est pas de ça qu'il s'agit, fondamentalement. L'important, pour moi et pour tout plein d'auteurs grand public, c'est pas de gagner le prix. L'important, c'est de faire cesser le mépris. Voir un de nos pairs remporter un prix (ou même être finaliste) traduit pour nous une ouverture. Le contraire est perçu comme une forme de mépris. Plate de même!

Mais voilà! Les prix littéraires sont, par leur nature même, biaisés en faveur du roman dit littéraire. Un peu comme, autrefois, quand seules les qualités des hommes étaient reconnues pour occuper certaines fonctions et qu'on se moquait des femmes qui osaient poser leur candidature.

Un livre que le grand public va aimer comporte des qualités dont ne tiennent pas compte les membres d'un jury littéraire. Et à l'inverse, ce qui fait la qualité d'un roman littéraire laisse totalement indifférent le grand public. 

Résultat: les romans littéraires sont écrits pour une élite intellectuelle qui reconnaît la valeur de ces romans. Qui dit élite dit public restreint. Comme tous les auteurs littéraires écrivent pour ce même public restreint, les ventes sont maigres. Imaginez une petite tarte qu'on couperait en plusieurs pointes. Ça fait de bien petites pointes.

À l'opposé, l'auteur grand public écrit pour la masse. Monsieur et Madame Tout-le-Monde cherchent dans un roman des qualités bien spécifiques, celles qui laissent indifférents les membres des jurys de prix littéraires. Nous sommes nombreux à écrire pour ce vaste public, c'est vrai, mais cette tarte-là est beaucoup plus grosse. D'où les ventes plus importantes.

Le pire, dans tout ça, c'est qu'on ne choisit pas. On écrit ce qui monte, et cette voix qui parle en nous est hors de notre contrôle. Comme me l'a dit un jour l'écrivain Jean Bédard, quand on écrit, c'est l'âme qui s'exprime. Et on ne choisit pas ce qu'elle dit. Ni comment elle le dit.

Je pense que nous, auteurs grand public, nous obstinons à défendre une cause pour le moment indéfendable. Mais je ne perds pas espoir. Un jour, peut-être même de mon vivant, quelqu'un dans une université fera une étude sur la valeur d'un livre qui fait lire le monde et qui remplit la fonction première de la littérature, c'est-à-dire d'aider à vivre. Et ce jour-là, la face du monde littéraire sera changée!

 ATTENTION: Je ne tolère pas le bitchage sur le dos des écrivains, peu importe le genre.  Tout commentaire déplacé sera effacé de cette page. 



mercredi 14 octobre 2015

Ce que tout auteur devrait savoir sur le Salon du livre de la Péninsule acadienne

Île Miscou en automne

J'ai souvent entendu parler du Salon du livre de la Péninsule acadienne depuis le début de ma carrière. Toujours en bien. Toujours pour dire que c'est un party perpétuel, que les auteurs y sont traités comme des rois, que les gens sont chaleureux, que l'endroit est magnifique. Tous ceux qui m'en parlaient ainsi insistaient sur le fait qu'ils y retourneraient demain si on le leur proposait.

Ben laissez-moi vous dire que je fais désormais partie de cette gang-là. La gang des auteurs chez qui le Salon du livre de la Péninsule acadienne a laissé un souvenir indélébile, un souvenir de chaleur, de rire, d'accent mélodieux, de bonne bouffe, de fête et de générosité.

Parce que si je devais choisir un seul mot pour décrire l'équipe qui m'a reçue la fin de semaine dernière, ce serait GÉNÉROSITÉ.  Et chaleur, évidemment! Et gentillesse! Et amabilité! Bref, il me faudrait beaucoup de mots tant l'émotion qui m'habite encore est multidimensionnelle.

Laissez-moi vous décrire comment ça se passe.

Tout d'abord, à moins qu'un auteur choisisse délibérément de faire la route en voiture, la plupart d'entre nous sommes aéroportés de Montréal à Bathurst, puis conduits en voiture (si nous ne sommes que deux) ou en autobus jusque dans les environs de Shippagan.

Si vous êtes une vedette (Je m'excuse, Laurence, si tu me lis, mais il faut appeler un chat un chat), si vous êtes une vedette, donc, on vous logera dans un chic hôtel à Caraquet. Si vous êtes un simple auteur comme moi, on vous logera dans une auberge plus modeste, la mienne s'appelle Janine du Havre et était située à Savoy Landing de l'autre côté de la baie, juste en face de Shippagan.  Comme le salon du livre a lieu à Shippagan, il est de loin préférable d'être logé dans une modeste auberge du coin. Mettons qu'on veuille se reposer entre deux séances de signatures, on appelle notre chauffeur, il nous conduit à l'auberge et il vient nous y chercher quand on veut retourner au salon. De toute façon, on passe bien peu de temps dans notre chambre. On quitte les lieux avant 10 h le matin, heure d'ouverture du salon,  et on y revient à 23 h, après le party.  Parce que, oui, il y a des partys. TOUS les soirs. (Je vous en parle plus loin)

Un autre avantage à l'auberge du coin (avantage qu'il ne faut absolument pas négliger), c'est qu'après le party, ça prend trois minutes pour rentrer à l'hôtel. Caraquet est à 30 minutes. Méchante différence quand on est fatigué et/ou qu'on a un peu trop bu.

Mon séjour s'est déroulé comme ceci:

Arrivée en avion à Bathurst jeudi après-midi, puis arrivée à Shippagan à 17 h. Rénald, mon chauffeur, m'a laissée me laver et me reposer une heure dans ma chambre, puis il m'a conduite au Salon pour la cérémonie d'ouverture. J'ai jamais vu de ma vie autant de monde à la cérémonie d'ouverture d'un salon du livre. Ça s'entassait de l'autre côté du cordon pour écouter les dignitaires faire leur laïus. Quand on a retiré les cordons, la foule a déferlé sur les kiosques. Moment fort émouvant.

Après la fermeture, jeudi soir, j'ai participé à un cocktail... bar ouvert avec bouchées de fruits de mer. 

Vendredi après-midi, parce que j'avais un trou dans mon horaire, la responsable des communications m'a conduite sur l'île Miscou pour que je voie les tourbières rougies par l'automne. C'était éblouissant. 
Après la fermeture, vendredi soir, j'ai participé à une série d'entrevues au centre de congrès où les spectateurs payaient 15 $ pour venir nous écouter, Nathalie Roy, Laurence Jalbert, Herménégide Chiasson et moi. Et on nous payait! Tous les quatre!

Samedi matin, je donnais une conférence à l'université. Samedi après-midi, j'étais interviewée sur une scène du salon. Samedi soir, j'étais au banquet de fruits de mer, bar ouvert, animé d'abord par un duo qui jouait de la musique acadienne, puis par des auteurs/ éditeurs/ représentants qui, en hommes prévoyants, avaient apporté leurs instruments de musique. Un GROS party comme je les aime!

Au travers de ces multiples activités, j'ai signé des livres, fait des rencontres géniales. Plus de gens sont entrés dans ma vie en ces quatre jours que pendant six mois chez nous. Ulysse, Rénald, Odette, Ginette, Mylène, Anne, Nathalie, Marie, Marie-Claude, Marie-Lou, Marie-Joëlle, Rhéa, Lili, Éliane, Laurence et Louise, ce fut un réel plaisir de faire votre connaissance. Martine, Sergine, Cindy, Jean-Marc, Roger, Lucie et Nathalie, c'était un grand bonheur de vous revoir!


C'est riche de toutes ces rencontres que dimanche matin, après ma séance de dédicaces, j'ai pris le bus pour Bathurst, puis l'avion pour Montréal. Je suis arrivée chez moi dimanche soir, épuisée, mais ravie, avec la certitude que si jamais on me réinvite en Acadie, je sauterai sur l'occasion à pieds joints.

mercredi 7 octobre 2015

J'ai d'abord pensé à Marc Fisher...


Moi, dans vingt ans... si je suis encore là.

J'avais pensé cette semaine vous parler du livre de Marc Fisher, celui qui va sortir incessamment et pour lequel j'ai vu plein d'auteurs déchirer leur chemise sur Facebook. Je me contenterai cependant de paraphraser Jésus Christ. 


Que l'auteur qui vit de sa plume et qui a déjà craché sur 40 000$ de redevances lui jette la première pierre! Et 40 000$, ici, c'est juste une estimation.
Dans une situation similaire, même si peut-être plus «honorable», je me rappelle il y a quelques années avoir entendu une amie auteure me dire: «Si c'est pas moi qui prends le contrat, ce sera quelqu'un d'autre!». 

Alors j'ai rien d'autre à dire là-dessus.

Mais il y a un sujet qui me trottait dans la tête depuis deux semaines.  Alors je vous en parle parce que ça vous touchera tous un jour où l'autre... si ce n'est déjà fait. 


Il y a deux semaines, donc, paraissait mon seizième livre. Un petit plaisir que je n'ai pas boudé et que j'ai célébré dignement, comme j'en ai l'habitude. 

Le lendemain, j'avais une entrevue dans une radio de Québec de même qu'un dîner de famille dans un resto du Vieux-Québec. J'ai donc fait aller-retour avec mon chum. Un après-midi ben le fun... jusqu'à ce que, pendant le retour sur l'autoroute 20, je décide de prendre mes messages sur mon cellulaire. Mauvaise idée, mais que voulez-vous! Ça m'arrive, des fois. 

Cet après-midi-là, donc, il y avait dans ma boîte de réception l'invitation d'une bibliothécaire de Montréal. Je vous copie ici une partie du courriel.

Nous aimerions beaucoup vous recevoir en bibliothèque la saison prochaine pour parler de votre parcours d'auteur et de vos oeuvres. Présentée dans le cadre de notre programme culturel destiné aux 50 ans et plus, cette rencontre aurait lieu à la bibliothèque X, un jeudi de janvier, de 10 h 30 à 11 h 30. Seriez-vous intéressée et disponible? Si oui, quel serait votre tarif? 

Je vous mens pas, j'ai presque arrêté de respirer. 

«dans le cadre de notre programme culturel destiné aux 50 ans et plus, cette rencontre aurait lieu à la bibliothèque X, un jeudi de janvier, de 10 h 30 à 11 h 30.  »

A-t-on idée à quel point une formulation de ce genre peut fesser quand la personne à qui on s'adresse est sur le point d'avoir 48 ans?  Vous dire mon désarroi! Vous dire le choc! Vous dire mon indignation!  J'aurai bientôt l'âge des gens pour lesquels on organise des activités le jour!!!

De retour à la maison, j'ai fait par de ces émotions à la Sorcière. En digne amie capable de tourner le fer dans la plaie, elle m'a répondu: «C'était aussi dur que le jour où tu as compris que tu avais l'âge d'être grand-mère?»
Je vous jure que si elle avait été en face de moi, chum pas chum, je l'envoyais chier. Mais on jasait par messages privés sur Facebook. J'ai juste répondu : OUI!
Faut savoir ici que j'avais 43 ans le jour où ma cousine, pour être aimable, m'a annoncé que le fils de ma meilleure amie de 6e année allait avoir son deuxième bébé. Je l'ai fait répéter. Nathalie? Le fils de Nathalie? Elle a dit oui. J'ai répondu que ça ne se pouvait pas. Nathalie avait mon âge puisqu'on était en 6e année ensemble. Et là, ma cousine, avec autant de subtilité qu'un chien dans un poulailler, elle me lance: «Mylène! T'as l'âge d'être grand-mère, voyons! Ta fille a 20 ans!» Devant autant de cruauté, ma réponse a été assez sèche: «Ma fille a peut-être l'âge d'être mère, mais moi, je n'ai pas l'âge d'être grand-mère!» Fin de la conversation.
Si vous avez lu Détours sur la route de Compostelle, vous avez reconnu les sentiments qui tourmentent Mireille quand son fils de 17 ans lui annonce que sa blonde est enceinte et qu'ils vont garder le bébé. C'est pas pour rien que ça se trouve dans le roman. Ma description de la difficulté à accepter ce genre de situation s'ancrait dans du vécu.
Toujours est-il que ça m'a pris trois jours, à me bercer dans le fond de ma cour, pour accepter que j'avais effectivement l'âge d'être grand-mère.
C'est un mur similaire que j'ai frappé au lendemain de la sortie de mon seizième livre, en réalisant que j'atteindrais bientôt 50 ans. Dans deux ans. DEUX ans!
Mais cette fois, au lieu de ruminer la chose dans le fond de ma cour, j'ai décidé de rester fidèle à mes bonnes habitudes. Je vais célébrer ça dignement en me préparant un voyage monumental en Amérique du Sud. Deux ans, ça me donne le temps d'apprendre un peu d'espagnol. Et deux ans, ça me laisse assez de latitude pour penser à un projet de roman ayant pour cadre la forêt équatoriale... genre.
Hier après-midi, je suis tombée sur ce texte du Huffington Post. Avec ses 8 choses qui ne sont plus de son âge, l'auteure m'a bien fait rire, preuve que je dois déjà avoir franchi avec les années plus d'étapes que je le pensais.


S le l'hyperlien ne marche pas, vous trouverez le texte du Huffington Post à cette adresse: http://quebec.huffingtonpost.ca/michelle-combs/choses-devenue-trop-vieille_b_8252164.html



jeudi 1 octobre 2015

Le temps qui passe




Je ne fais jamais la vaisselle. Pas que je déteste, c'est juste que chez nous, c'est la job de mon chum. La semaine dernière, cependant, mon chum s'est ramassé à l'urgence. Il en est sorti le bras droit dans une attelle, le doc lui ayant interdit de s'en servir pendant minimum six semaines. Ça voulait dire pas de vaisselle, pas de conduite automobile, pas d'aspirateur, pas de steak et pas de vélo. C'est tout juste s'il peut prendre sa douche tout seul.

Depuis une semaine, donc, je lave et j'essuie la vaisselle tous les soirs. Ça me rappelle quand je suis partie en appartement, à 17 ans. Comme à l'époque, je vois dans ce moment de silence, seule dans la cuisine, une occasion de méditer. Étant donné que laver la vaisselle n'exige pas de concentration, je peux avoir l'esprit ailleurs. Et hier soir, justement, il était ailleurs, mon esprit. Je pensais au lancement.

Faut savoir que je ne fais pas souvent de lancement. Je n'en fais pas souvent parce que, de nature, je ne fais jamais les choses à moitié. Tant qu'à faire un lancement, je fais un party. Et quand je fais un party, je fais un gros party. Avec bouffe, alcool, DJ et tout. Ce genre de party, que je veux mémorable, coûte cher, demande du temps et de l'organisation. Disons que chez nous, on s'éclate fort, mais pas toutes les semaines.

Mon premier lancement, qui aura été mon seul et unique jusqu'à ce soir (unique lancement, pas unique party, évidemment!). Mon premier lancement, donc, remonte à mon sixième roman, 1704. C'était en 2006. Il y a neuf ans.

Neuf ans! J'avais réservé le Loubards, à Sherbrooke. L'endroit était plein à craquer. Faut dire que toute la parenté y était. Du bord de mon père comme du bord de ma mère. Il y avait des amis aussi. Et les quelques auteurs que je connaissais à Sherbrooke (je venais juste d'arriver en ville). Pour l'occasion, mon éditeur était descendu de Montréal. Et parce qu'il n'y avait pas eu de catastrophe ailleurs sur la planète, la télé de Radio-Canada s'était déplacée. Avec caméra et tout! C'est vous dire à quel point il ne se passait rien sur Terre à ce moment-là. C'est aussi vous dire le party!

À l'époque, ma fille avait 15 ans. C'était une peste d'adolescente qui m'a tenue sur les nerfs toute la veillée. Pour vous donner une idée de l'eau qui a coulé sous les ponts depuis, elle a maintenant 24 ans. Elle vit avec son chum dans une autre ville à six heures de route. Et moi, j'ai eu le temps d'apprivoiser le fait que j'ai désormais l'âge d'être grand-mère. Vous ne m'auriez jamais fait avaler la chose en 2006.

Au lancement de 1704, mon père et ma mère, divorcés depuis trente-cinq ans, s'étaient salués en arrivant au bar. Tous les deux, en même temps, dans le même party. Je n'avais pas vu ça souvent dans ma vie. Ils sont morts maintenant. Tous les deux. Mon père en 2008. Ma mère en 2009. De la parenté, il reste moins de monde aussi.

C'est à tout cela que je pensais hier soir quand je lavais la vaisselle. Et j'ai pris conscience du temps qui s'écoulait, irrémédiablement. Je ne me suis pas sentie plus vieille, rassurez-vous. J'ai juste senti les trous plus intensément.


Voilà. C'est tout. J'ai organisé un party avec deux amis auteurs. La Sorcière, que vous connaissez, et notre ami le conteur. L'événement aura lieu ce soir, à la salle du Parvis, sur la rue du Conseil, à Sherbrooke. C'est un 5 à 7 et vous êtes tous invités. Le prochain n'aura pas lieu avant neuf ou dix ans. Et il est impossible d'anticiper les trous et les pleins qui se formeront dans nos vie d'ici là.  




mercredi 9 septembre 2015

L'oeuvre de science-fiction que j'aurais aimé avoir écrite


Si vous ne connaissez pas cette série, voici la bande-annonce.

S'il y a une oeuvre de science-fiction que j'aurais aimé avoir écrite, c'est Battlestar Galactica. J'avais 11 ans quand on a présenté la première série à la télé. À cause de ça, j'ai voulu pendant un temps devenir pilote de jet militaire. Même si je savais que c'était de la fiction, j'ai longtemps regardé le ciel l'été dans l'espoir de voir arriver ces voyageurs venus de loin. J'ai regardé tous les épisodes plusieurs fois et je vous jure que l'originalité de la série de même que l'humanité des personnages et de cette histoire m'habitent encore, presque quarante ans plus tard. J'ai bien sûr regardé la nouvelle série, celle produite au début des années 2000. Et je l'ai trouvée aussi bonne, même si un peu trop axée sur les effets spéciaux (c'était la mode).


Toutes les productions Battlestar Galactica partagent la même prémisse : dans une partie éloignée de l'univers, une civilisation d'humains vit sur des planètes appelées les Douze Colonies. Dans le passé, les Colonies ont été en guerre contre une race cybernétique, les Cylons. Grâce à un humain appelé Baltar, les Cylons lancent une attaque-éclair sur les Colonies, laissant les planètes et leur population dévastées. Quelques milliers de survivants fuient dans l'espace à bord du premier vaisseau spatial disponible. De toute cette flotte coloniale, le battlestar Galactica semble être le seul vaisseau militaire ayant survécu à l'attaque. Sous le commandement d'un célèbre chef militaire, le commandant Adama, le vaisseau et son équipage prennent en charge le convoyage de la flotte de survivants vers un refuge mythique, la Terre. (Source: https://fr.wikipedia.org/wiki/Battlestar_Galactica)

J'ai souvent dans mon imagination remplacé les épisodes des années 80 (un peu moins bons) par un synopsis de mon cru. Dans ma version, les humains des Douze colonies trouvaient enfin la terre promise, cette mythique Terre qu'ils avaient passés des années à chercher. J'imaginais comment se ferait leur intégration dans notre monde. Je tombais amoureuse de Starbuck, évidemment. Et tout le monde se mélangeait. C'était beau. Trop beau, évidemment, mais il faut se rappeler que j'étais ado.

C'est pas pour rien que je suis devenue écrivaine.

Je n'ai jamais eu de difficulté à m'imaginer à la place de ces personnages qui ont quitté leur planète natale à cause de la guerre. Aucune difficulté à imaginer les privations, les chicanes, la faim qui rend fou, la jalousie, la violence. Et les morts. Et les deuils. 

Je pense beaucoup à Battlestar Galactica depuis quelque temps à cause de la migration syrienne. La marche de ces réfugiées, c'est un peu beaucoup le long voyage des personnages de Galactica. Leur misère, leurs privations, leur souffrance, leurs morts et leurs deuils sont les mêmes. Sauf que ceux-là ne se déroulent pas dans un univers imaginaire. Ils prennent place dans notre monde. Dans notre vie. À notre époque. 

Et je me demande: Pourquoi est-ce que l'Occident, qui a tant tripé sur Battlestar Galactica, n'arrive pas à s'émouvoir devant un scénario identique se déroulant dans la réalité?

Hier matin, aux nouvelles à la radio de Radio-Canada, un journaliste racontait son voyage en train avec les réfugiés de la Hongrie jusqu'en Allemagne. Comme toujours, dans des reportages comme ceux-là, il tendait son micro aux différents passagers, migrants ou non, et recueillait leurs propos. À un moment donné, c'est un Allemand qui parle, en surveillant sa valise. Il se plaint qu'il y a trop de monde dans le train et ajoute que les migrants ne sont même pas douchés.

Oui, vous avez bien lu. Il se plaint que ces réfugiés qui sont sur la route depuis des semaines n'ont pas eu la décence de prendre une douche avant de monter dans son train. Sérieux.

J'ai imaginé plein de choses dans mon scénario de Galactica, mais jamais je n'ai pensé que les Terriens se plaindraient qu'à leur arrivée sur notre planète, ces voyageurs venus de si loin n'aient pas pris le temps de se doucher. J'ai beaucoup d'imagination, mais je suppose qu'elle doit être munie d'un filtre pour m'empêcher d'imaginer une telle bêtise et une telle insensibilité.

Je n'ai pas de solution à offrir en ce qui concerne la crise des migrants. Je ne suis pas assez riche pour en parrainer. Mais il me semble que le moins que l'on puisse faire, quand on sait qu'on ne peut rien faire, c'est d'accepter d'être ému et d'accepter la responsabilité de notre impuissance. Et fermer notre gueule. 

Quand je vois tous ces gens qui affichent un mépris « ostentatoire » envers les réfugiés syriens, une ignorance crasse et une incapacité à comprendre pourquoi on cherche à quitter un pays en guerre (Je voudrais bien les voir, à leur place!), quand on voit ces grandes gueules cracher leur venin, leur haine et leur peur de l'autre sur Facebook et ailleurs, je me rappelle avec tristesse les paroles d'Einstein: 

« Deux choses sont infinies : l’Univers et la bêtise humaine. Mais, en ce qui concerne l’Univers, je n’en ai pas encore acquis la certitude absolue."

Et si c'était 50 000 réfugiés de Galactica qui voulaient débarquer chez nous? 

p.s. Avant de déverser du venin ci-bas, prière de Googler État islamique et Conflit syrien. Vous y découvrirez que le pays est gouverné par un dictateur qui a massacré depuis 2012 une grande partie de sa population pour éviter que se produise chez lui le «Printemps arabe». Vous tomberez peut-être même en bas de votre chaise quand vous apprendrez que le Groupe armé État islamique a envahi la Syrie en 2013 et qu'il  attaque des villages, y massacre les hommes et y capture les femmes qui sont vendues comme esclaves sexuels dans des marchés. Rien ça devrait vous faire dresser le poil sur les bras. Imaginez ça «live», maintenant. Comme dans Galactica, tiens! Pis imaginez le reste. Ou mieux, faites plus de recherche. Pis avant de m'écrire qu'ils doivent retourner dans leur pays «de marde», comme on lit si souvent ces temps-ci sur Facebook, regardez bien de quoi il a l'air, ce pays en ce moment.

Ville syrienne de Kobané en 2015



vendredi 4 septembre 2015

La lecture qui, de fil en aiguille, influence l'écriture d'un nouveau roman

Description du livre sur Wikipédia

Au printemps, je jasais avec mon éditeur de ce projet de roman qui germe dans ma tête depuis dix ans et que je sentais mûr, enfin. Je lui parlais du sujet, plus complexe que ce que j'ai l'habitude de travailler. Il m'a dit: «Faut que tu lises Le Royaume, d'Emmanuel Carrère!» 


Je ne suis pas une personne docile, mais je me suis dit que si mon idée avait fait jaillir le titre d'un autre livre dans l'esprit de mon éditeur, je devais y jeter un oeil. J'ai donc acheté Le Royaume, que j'ai lu aux trois quarts... parce que l'auteur y parle d'un autre livre qu'il a écrit et qui a tellement piqué ma curiosité que je n'ai pas été capable d'attendre pour le lire. Il s'agit de la biographie de Philip K. Dick, Je suis vivant et vous êtes tous morts. J'ai plongé là-dedans avec la délicieuse sensation que ce livre m'était destiné. (Carrère affirme qu'il a eu peu de succès à  l'époque où il est sorti. Je ne comprends pas pourquoi. C'est un bijou!)
Pour les gens qui ne connaissent pas Philip K. Dick, c'est l'auteur de Do Androids Dream Electric Sheep?, le roman à l'origine du film de Ridley Scott, Blade Runner. L'excellent Blade Runner. Le magnifique Blade Runner, que j'ai vu un million de fois. Dont je connais des répliques par coeur, en anglais et en français. Dont je possède les six versions en DVD. Et que j'ai vu au cinéma l'année de sa sortie en salle en 1982. J'avais 15 ans. Je me souviens avoir quitté le cinéma en transe, conquise et avec le goût irrépressible d'écrire de la science-fiction.  
Dans mon bureau d'aujourd'hui, il y a l'affiche du film, laminée 4 pieds de haut par 2 pieds de large. Pas la version originale, malheureusement, mais celle du réalisateur, sortie en 1992.  À l'époque, j'avais même lu le roman de Philip K. Dick. Je n'y avais pas compris grand-chose parce que je manquais de vécu. C'est quand je l'ai relu dix ans plus tard que l'histoire a pris tout son sens. J'ai lu par la suite Substance mort (en anglais et en français en plus de regarder le film avec Keanu Reeves) et j'ai lu SIVA (Ça, ça décoiffe!).
Toujours est-il que la biographie écrite par Carrère, je ne pouvais pas passer à côté. J'ai donc plongé, comme je l'ai dit plus haut, et j'ai émergé trois jours plus tard, haletante, émerveillée et avec l'envie terrible de lire Le maître du haut château, la seule oeuvre de Philip K. Dick qui ait gagné un prix, mais pas le moindre, le prix Hugo de 1963 (prix de science-fiction en langue anglaise).
Et là, je suis presque tombée en bas de ma chaise longue.  Si vous êtes auteurs, vous connaissez sans doute ce feeling: Lire un roman et se dire qu'il contient exactement l'information dont on avait besoin. Dans mon cas, ce fut la structure. Quatre histoires interreliées, mais où aucun des personnages ne croise les autres. Tout se tient, mais seul le lecteur comprend réellement ce qui se passe. Les personnages ne connaissent que des bribes et uniquement ce qui leur était accessible en vertu de leur point de vue.
Vous dire le flash!
Je tiens désormais la structure de mon nouveau roman, informe encore au printemps, mais tout à fait tangible depuis que j'ai lu Le maître du haut château. Je vous le donne en prime: c'est un thriller, un genre que mes lecteurs adultes ne me connaissent pas, mais qui ne surprendra pas le moins du monde mes lecteurs adolescents.

Et vous, des lectures qui tiennent d'un hasard significatif, ça vous arrive ?



vendredi 14 août 2015

Le sexe, la fiction et le féminisme




Je suis allée voir Le mirage, mardi soir. En sortant du cinéma, j'ai dit à mon chum qu'on venait de regarder le film le plus intelligent que j'ai vu depuis des années. Ça vous donne une idée si j'ai aimé.
En résumé, Le mirage est l'histoire d'un homme tellement pris dans le spin de sa vie qu'il ne voit plus quand ni comment il pourra reprendre son souffle. Dettes à n'en plus finir, vie de couple nulle, vie sexuelle nulle, vie familiale et professionnelle épuisante. Il étouffe. Sa manière de survivre dans ce qu'il voit comme un enfer? Regarder de la porno et avoir des fantasmes. Un jour, les fantasmes prennent tellement de place qu'il les croit enfin possibles, même réels. Il passe à l'acte et scrape sa vie.
Le film est drôle par bouts, tragique à d'autres bouts. J'ai ri, mais j'ai aussi souvent eu une boule dans la gorge parce que l'écriture de ce film est juste et vraie. On y croit parce qu'on a tous vu ça, on a tous pensé à ça, on a tous vécu ça, à différents degrés.
Comprenez-moi bien. Ce n'est pas parce qu'il est question d'un homme que ce film est vrai. C'est parce qu'il parle de la réalité humaine en Occident. On aurait mis une femme à la place, l'histoire aurait fessé tout autant.
Mercredi matin, j'ai écrit à la Sorcière pour lui dire d'aller voir le film. Elle m'a renvoyé ce lien vers La Presse + en me demandant ce que j'en pensais. Il s'agissait d'un texte d'opinion de Martine Delvaux, prof à l'UQUAM, qui dénonçait le film.
Une chance qu'il y a des appuis-bras à ma chaise parce que je serais tombée par terre.
  « Si, pour Louis Morissette, Le mirage dépeint le sentiment de vide de plusieurs hommes de sa génération, et si, de fait, il y a des dizaines de milliers de Patrick Lupien au Québec, alors il y a de quoi s’inquiéter. »
Misère! Il y en a des milliers. Et des milliers de femmes aussi. Oui, on doit s'inquiéter, mais pas pour les raisons que nous donne Martine Delvaux.
On doit s'inquiéter d'une société qui remplace le verbe « vivre » par les verbes « avoir » et « être ».  On doit s'inquiéter de l'indifférence et de la cruauté avec lesquelles on vit nos relations couples. On doit s'inquiéter de voir notre conjoint(e) devenir notre pire ennemi(e). Et on doit s'inquiéter que tant de gens se sentent prisonniers de leur vie.  
 « Au final, si Lupien avait été satisfait sexuellement, s’il n’avait pas eu à dépenser trop d’argent pour répondre aux demandes de sa femme, il n’en aurait pas violé deux autres. »
C'est bizarre, je n'ai pas vu de viol dans ce film.  La scène avec son employée est une scène de sexe violente, c'est vrai, mais il ne la viole pas puisque c'est elle qui l'attire à lui. Elle ne proteste pas, même si elle est déçue du résultat.  Certes, l'acte se passe dans la violence. Comme tout plein de scènes de cul dans les films, dans les romans... et dans la vie. La position du missionnaire n'est plus obligatoire depuis un ou deux ans, je pense. Et la douceur n'est pas la tasse de thé de tout le monde. Sachez qu'il n'y a pas que des hommes pour écrire des scènes de cul violentes. Parlez-en avec la Sorcière...
« S’il y a une scène à garder en mémoire pour illustrer ce que veut dire l’absence de consentement, c’est celle-là. Lupien ne s’arrête que devant la menace que Roxanne lui fait d’appeler la police. »
C'est vrai que le personnage essaie de s'imposer à la meilleure amie de sa blonde. Mais il faut avoir manqué le début du film pour ne pas avoir saisi qu'il est persuadé qu'elle le désire autant qu'il la désire. Ça lui prend un bon deux minutes à comprendre que son fantasme n'est pas la réalité. Deux minutes et une gifle retentissante.  Il recule alors, réalise qu'il était dans le champ et veut s'expliquer. C'est parce qu'il ne veut pas s'en aller et qu'il insiste pour s'expliquer que la femme menace d'appeler la police. C'est vrai que, du point de vue de la meilleure amie de sa blonde, il a essayé de la violer. Elle n'est pas dans la tête du gars depuis le début. Le spectateur, lui, il devrait savoir de quoi il en retourne.
« Ce que Le mirage nous montre, c’est un être susceptible de s’assurer de son poids sur Terre en violant des femmes. »
Je suis féministe, mais je suis aussi humaniste.  Si on avait raconté cette histoire de la même manière, mais avec une femme comme personnage principal, aurait -on porté sur ce film un tel jugement?  Et ne venez pas me dire qu'une femme n'essaierait jamais de s'imposer. Svp, allez faire un tour dehors, de temps en temps. 
« Le film est arrivé en salle en même temps que le défenseur du viol et masculiniste Roosh V à Montréal, et peu après qu’Action Bronson, artiste dont l’œuvre est cousue de propos misogynes, ait annulé sa présence à Osheaga. C’est une coïncidence des plus parlantes. »
Faut pas charrier!
On doit dénoncer ce qui doit l'être, mais à faire flèche de tout bois, on rate la cible et on diminue la valeur de la cause qu'on défend. Laisser penser que ce film fait la promotion du viol, c'est comme dire qu'un roman policier fait la promotion du meurtre. 

De grâce,  chers écrivains, écrivez ce que vous voulez et n'écoutez pas les gestionnaires de la vertu. La fiction n'a pas à se montrer vertueuse.