dimanche 31 mai 2015

Un mot à la mémoire de Joël Champetier et une bougie sur ma table de cuisine

Joël Champetier, au Salon international du livre de Québec en 2012
Source Wikipédia.
Je le connaissais à peine. À peu près comme je connaissais Jean Paquin dont j'ai déjà parlé ici. Courtes conversations de salons du livre, une autre au Worldcon de 2009. Rien qui permet vraiment de tisser des liens.

J'ai souvent signé en face de lui parce qu'Alire et VLB font affaire avec le même distributeur. Jamais lu ses livres, cependant. Pas ma tasse de thé. N'y voyez pas de jugement, surtout. Je suis une petite nature et je souffre et j'ai peur rien qu'à lire les romans de la Sorcière pis c'est ma grande chum. Pensez-vous que j'allais affronter des livres du même genre écrit par quelqu'un avec qui j'échange une parole et un sourire par salon?

N'empêche, il était l'idole de plusieurs de mes amis. Ils en parlaient comme d'un grand maître, une sorte de sage, impliqué dans tous les comités touchant de près ou de loin la littérature de l'imaginaire. Mes amis ne faisaient pas que l'idolâtrer, ils l'aimaient. À tel point que lorsqu'il est tombé malade, il y a un an, tous voyaient la chose comme passagère. Un autre peut mourir de la leucémie. Pas Joël. Joël, c'est un pilier. Il va se reposer, recevoir des traitements pis on va le revoir au Boréal.

Mais voilà. Au Congrès boréal, il y a quelques semaines, Joël n'y était pas. Trop malade. Trop fatigué. La leucémie avait pris le dessus. Il leur a fait ses adieux par Skype. J'ai appris la chose avec un serrement au coeur. Pendant un an, j'ai glané des nouvelles de Joël via Pierre-Jean-Jacques. Quand ses amis me parlaient de son état avec espoir (je dirais presque avec candeur), je me contentais de répondre avec un mot d'encouragement. Je n'avais pas le courage de leur dire qu'ils se leurraient. 

Voyez-vous, ma mère est morte de la leucémie. Deux ans que ç'a duré. C'était pas jojo, et sur plusieurs plans. Comme le dirait la Sorcière, qui s'y connaît en cancers, la leucémie, chez l'adulte, ça ne pardonne pas.  

Un jour, il y a quelques mois, la blonde de Joël a demandé à ses amis de lui envoyer des ondes positives parce que ça n'allait vraiment plus. Le corps de Joël répondait mal au traitement (ou ne répondait pas du tout). Je savais très bien ce que ça voulait dire, alors j'ai allumé une bougie sur ma table de cuisine. J'ai recommencé le lendemain. Pis le surlendemain. En fait, chaque soir, au souper, depuis ce jour-là, j'ai imposé à mon chum et à ma visite un moment de silence, une pensée pour Joël et pour sa blonde.

Joël s'est éteint en fin de semaine. Je l'ai su via Facebook samedi matin, alors j'ai rallumé ma bougie au déjeuner. Pour lui, pour sa blonde, mais aussi pour ses amis. Parce que ce ne sera pas facile pour ceux qui restent.

Je ne verrai plus ce modèle discret, un brin gringalet, avec un sourire de gamin, des lunettes et une tignasse bouclée à m'en rendre jalouse. Il n'y aura plus de salut ni de hochement de tête entendu. Ni de silence poli parce qu'on ne se connaissait pas vraiment.

Mais ses histoires, elles, demeureront. Celles qu'il a écrites, celle avec laquelle on a fait un film et celles que raconteront encore longtemps ses fans, ses amis, ses émules.

Bon voyage, Joël!

«Love and light» à ceux qui restent.


mercredi 20 mai 2015

Renaud-Bray avale Archambault


Là où croît le péril croît ce qui sauve. Les mots sont du poète Hölderlin, mais je les ai piqués à Hubert Reeves dont c'est le titre du dernier livre. Selon M. Reeves, là où croît le péril écologique, croît aussi l'éveil vert, ce qui sauve. Autrement dit, plus grande est l'adversité, plus il y a de chances pour qu'enfin quelqu'un s'y oppose.

C'est à cette formule que j'ai pensé hier en apprenant l'achat d'Archambault par Renaud-Bray. En fait non. J'ai d'abord été prise d'un grand désespoir à l'idée d'un monopole qui contrôlerait ce que l'on publie, qui l'on publie et comment on le publie. Pas besoin d'aller chercher les exemples bien loin. Tout le monde sait que quand Blaise Renaud prend un auteur en grippe, on ne trouve plus les livres de cet auteur sur les tablettes de Renaud-Bray. Facile d'imaginer l'ampleur de cette censure si on ne retrouve plus non plus les livres de cet auteur chez Archambault. Ça pis la tyrannie...

Le péril, donc, c'est une possible prise de contrôle de l'édition au Québec par Blaise Renaud. Un peu comme c'était le cas au Canada anglais avec Chapters il y a quelques années. Imaginez des mégalibraires à qui on devait faire approuver les couvertures de livres, les auteurs, la longueur des romans, etc.

Ce qui sauve

Au Canada anglais, donc, on vivait sous l'empire Chapters... jusqu'à l'apparition d'Amazon. Amazon, qui n'a même pas pignon sur rue, s'est installé partout en Amérique du Nord (et maintenant partout en Occident) et est venu ébranler les plus gros, ceux qui en étaient rendus à faire la pluie et le beau temps dans le milieu de l'édition. Les années ont passé, Chapters-Indigo file doux, il en arrache et se présente désormais comme le protecteur de la culture. C'est quasiment rafraîchissant.

Avec sa récente transaction, Blaise Renaud affirme vouloir concurrencer Amazon, c'est-à-dire jouer sur le même terrain.

Imaginons alors qu'un livre se voit interdit de séjour dans les magasins de M. Renaud (donc chez Renaud-Bray et chez Archambault). Pour l'acheter, soit il faudra aller dans une libraire indépendante (il y en a de moins en moins et il n'y en a pas partout), soit il faudra aller sur Amazon. Je parie que bien des consommateurs vont opter pour Amazon parce qu'Amazon, qui possède probablement tous les défauts de la Terre, possède aussi la caractéristique d'être hautement addictif. Une fois que le numéro de ta carte de crédit est inscrit sur le site d'Amazon, il devient très facile d'acheter tes livres en ligne. Ils arrivent direct dans ta boîte aux lettres. C'est bien plus facile que de te rendre dans une libraire. Quelle qu'elle soit. Pis souvent bien plus vite aussi. De plus, chez Amazon, tu trouves de tout'. Bien plus de tout' que chez Renaud-Bray. Rien que ça, ça devrait rallonger la mèche de Blaise Renaud. Parce que si l'alternative à Renaud-Bray, c'est Amazon, Blaise Renaud ne fait pas le poids.

Autre chose dans la colonne qui sauve:  Depuis le début du conflit entre Dimédia et Renaud-Bray, je me questionne sur l'absence de solidarité entre distributeurs. Vous savez, Blaise Renaud n'aurait jamais niaisé Adp comme il niaise Dimédia. C'est trop gros, Adp, et ça distribue bien trop de gros best-sellers, ceux que M. Renaud veut dans ses librairies. Pis Prologue n'est pas ben loin derrière. À deux, ils mènent le bal dans la distribution de livres au Québec.

Depuis le début du conflit, donc, je fantasme à l'idée qu'Adp s'unisse à Prologue pour expliquer à M. Renaud l'importance de régler l'affaire. « Tsé, mettons qu'on arrête pendant une couple de semaines de te livrer nos livres, penses-tu que ça t'aiderait à trouver une solution honnête qui ferait l'affaire de tout le monde? »

Depuis hier, je fantasme plus que jamais.

Mise en situation: Mettons que le best-sellers que Mme Chose veut acheter ne se trouve pas chez Renaud-Bray ni chez Archambault, il y a de fortes chances pour que Mme Chose se le commande sur Amazon. On ne parlerait plus uniquement des livres de Dimédia ici. On parlerait des livres qui font le pain et le beurre de M. Renaud. Me semble qu'une telle perspective lui adoucirait les coins. Parce qu'une fois que tu as goûté à Amazon, ça te laisse un goût de revenez-y assez puissant merci.

En achetant Archambault, Renaud-Bray devient gros. On peut espérer que le gouvernement et que les autres distributeurs vont le trouver trop gros pour lui passer ses caprices, ses règlements de compte puérils et les pratiques douteuses de surremises qu'il exige des éditeurs.

Dans une entrevue accordée à l'Actualité, l'automne dernier, Blaise Renaud disait qu'il ne voyait pas de différence entre gérer une librairie et gérer un magasin de souliers. On peut espérer que ses nouvelles ambitions lui apporteront le détachement nécessaire dans le commerce international. Parce qu'un marchand de souliers, s'il veut des clients, ne peut pas se permettre de faire dans les sentiments. C'est pas bon pour les affaires. Surtout si ça envoie les clients chez un concurrent plus solide.

Avec de grands pouvoirs viennent de grandes responsabilités. Je me plais à espérer que la taille gigantesque de ce nouveau réseau de librairies ne soit pas la voie impériale que l'on imagine. 

mardi 19 mai 2015

Résidence d'écriture au Yukon

Photo de Dawson City, prise par Jonathan Dowdell, résident de West Dawson


Si vous êtes écrivain canadien et que le Nord vous intéresse, c'est le temps de poser votre candidature pour la résidence d'auteur Berton House Writers' Retreat, à Dawson City.

Je peux vous parler de cette résidence en connaissance de cause puisque je l'ai obtenue à l'hiver de 2010. Je ne suis pas gênée de vous dire que ces trois mois ont changé ma vision du monde, de la vie et qu'ils ont influencé positivement ma carrière. Sans ce séjour dans le Nord, je n'aurais pas écrit quatre de mes derniers romans.

Le Writers' Trust of Canada choisit chaque année quatre écrivains canadiens. On essaie de varier les origines, et comme les Québécois francophones ne sont pas nombreux à postuler, ceux qui le font ont de bonnes chances d'être choisis.

Évidemment, il faut se débrouiller en anglais. Assez bien pour écrire un texte expliquant pourquoi vous voulez aller écrire au Yukon. Et puis Dawson City ne compte que 10% de francophones. J'en connais un au bureau de poste, deux au Liquor Store (Trèèèèès important!), une au dépanneur-librairie, une au casino. Les autres ne travaillent pas dans le public, sauf l'été.

La résidence vient équipée (électricité, téléphone, internet). Les frais de voyages de l'auteur sont payés, et on lui donne 6000$ pour lui permettre de «survivre» trois mois dans le Nord. C'est plus qu'assez, je vous le jure!

Si la chose vous tente, vous trouverez le formulaire d'inscription et plus d'informations ici.

Voici quelques-uns de mes souvenirs de Dawson. J'ai tellement aimé la place que j'y suis retournée six fois.

Les couchers de soleil sont TOUJOURS spectaculaires et ils durent souvent presque une heure.

LA résidence en question.  Il s'agit de la maison d'enfance de Pierre Berton, journaliste et écrivain canadien anglais. La maison compte cinq pièces. Une chambre, une cuisine, un salon double, un bureau. Et une salle de bain complète, évidemment.


L'hiver, il arrive qu'il fasse froid. Un- p'tit 40°C, des fois -50°C. Je vous dirais qu'à partir de -35°C, c'est juste ben frette.

Les paysages sont partout magnifiques.

Et l'été, il fait clair même la nuit. Il était 23 heures passées quand j'ai pris cette photo.


V'là le soleil de minuit.

Voici Tombstone Park, sur la route Dempster (qui mène dans l'Arctique). C'est à moins d'une heure de voiture de Dawson City.
Voilà. Maintenant, il vous reste juste à vous décider.

Ajout: J'ai oublié de mentionner que les auteurs choisis doivent faire une petite présentation à la bibliothèque de Dawson et une autre à celle de Whitehorse.

mercredi 6 mai 2015

Mon plusss meilleur roman canadien à vie


Plus jeune, j'étais docile, mais avec l'âge a jailli chez moi un tempérament insoumis. Voilà pourquoi, aujourd'hui, j'ai de la misère avec les prescriptions. Faut faire ceci. Tu devrais faire cela. Suffit qu'on me l'ordonne pour que je fasse le contraire.
Je vous laisse imaginer l'effet que me fait une liste de prescriptions. Les cent choses qu'il faut faire pour vivre jusqu'à 100 ans. Les vingt habitudes des gens à succès. Vous voyez le genre?
Ces temps-ci a lieu un concours intéressant à Radio-Canada. Intéressant, mais horripilant en même temps. Il s'appelle 100 livres d'ici à lire une fois dans sa vie.
Le point de départ: On a tous « notre » livre : celui qui nous a fait rire, pleurer, rêver ou réfléchir, et qu’on voudrait que tout le monde lise une fois dans sa vie.
Ne vous méprenez pas. Je trouve toujours génial qu'on parle de littérature. Peu importe sa forme, concours ou pas. Prescription ou pas. Ce qui me chicote, c'est quand on demande à des «vedettes»  de nous dire quel livre chacun devrait avoir lu une fois dans sa vie. Parce que, voyez-vous, inévitablement, l'ego prend le dessus, et les gens vous parlent du livre qu'il est bien vu d'avoir lu et/ou aimé et qu'on se doit de recommander quand on fait partie du grand monde.

Je vais vous donner un exemple. Dans La Presse, samedi de la semaine dernière, Michèle Ouimet interviewait Yves Bolduc dans une série d'articles sur la vie après la politique. Vous trouverez l'article complet ici.
À un moment donné, elle dresse la liste des gaffes d'Yves Bolduc et écrit: «Mais c’est la critique sur les livres qui lui a fait le plus mal. Bolduc est un grand lecteur. Au primaire, il lisait un livre par jour. Il me montre son iPad dans lequel il a téléchargé des livres de Platon, Plutarque, Nietzsche, Machiavel, Kant, Henry Kissinger, Kierkegaard. Quand il me voit noter les noms, il me prévient. « Je ne veux pas avoir l’air prétentieux. » »

Pas besoin que je vous fasse un dessin; personne ne croit qu'il avait lu tout ça récemment. Surtout pas sur son iPad!  

La liste de Radio-Canada me fait un peu cet effet-là. Oh, il y a certainement des romans bien intéressants dans le lot. J'en ai d'ailleurs lu quelques-uns. Et il y a certainement des gens pour avoir été marqués par ces romans. Mais je me demande... Pourquoi est-ce que les romans qu'on devrait lire ne sont jamais les romans qu'on a envie de lire? Parce que, soyons honnêtes, dans la liste proposée par Radio-Canada, on ne trouve pas beaucoup de romans grand public, le genre qu'aiment lire monsieur et madame Tout-le-Monde. En tout cas, moi, je n'y rien trouvé qui me donnerait envie de me garrocher à la librairie.
Pour compenser, je me suis dit que je vous parlerais de mon plusss meilleur roman canadien à vie. J'ai la certitude qu'il ne se retrouvera pas dans la liste de SRC, alors aussi bien vous faire un billet sur le sujet.
Le roman en question s'intitule Zemindar (Titre français: Le Zémindar), écrit par la Canadienne Valerie Fitzgerald, mais publié en 1981 en Grande-Bretagne. Il a gagné deux prix: le Romantic Novel of the Year (RoNa's) Award (1982) et le Georgette Heyer Historical Novel Prize (1981). Il a été repris chez Deneau, à Ottawa. Puis il a été traduit en français chez Laffont. C'est cette version que j'ai lue en 1987.
C'était l'été, j'avais 20 ans. Il faisait chaud et, dans le roman, il faisait encore plus chaud. L'histoire se déroule en 1857. Laura Hewitt, Anglaise célibataire, sert de chaperon à sa cousine pendant son voyage de noces dans l'Inde coloniale. Au moment du départ (des mois avant l'arrivée, vitesse de bateau oblige), personne ne sait en Angleterre que les soldats indiens enrôlés dans l'armée britannique sont au bord de la révolte. En tant que lecteur, on vit avec Laura le voyage en bateau (qui contourne l'Afrique par le sud!). On traverse une partie de l'Inde quasiment comme un touriste, alors que les indices de la grogne contre l'Empire sont visibles partout. La vie quotidienne des administrateurs coloniaux s'avère fascinante. Et lorsque la rébellion se produit enfin, on bascule dans le chaos avec les personnages. Comme si on y était! Bon, la deuxième partie, bien que minutieusement détaillée, est un peu trop longue à mon goût. Mais comme l'auteur y raconte le siège de Lucknow, je lui ai toujours pardonné cette faiblesse. Surtout que j'ai moi-même écrit le siège de Louisbourg et je vous jure que le siège d'une ville, ben ça paraît long en titi pour ceux qui le vivent de l'intérieur.
J'ai pensé à l'histoire, aux personnages, aux décors et à l'Inde coloniale longtemps après avoir tourné la dernière page. Je le relis encore, de temps en temps. Et il s'agit du livre que j'ai le plus prêté... et racheté parce qu'il ne revenait pas tout le temps. J'en ai d'ailleurs deux exemplaires à la maison parce que l'un d'eux est revenu alors que je ne l'attendais plus.  Je peux dire sans gêne que c'est le livre qui a eu le plus d'influence sur l'écrivaine que je suis devenue, car c'est ce livre précisément qui m'a donné le goût d'écrire des romans historiques. Et ce n'était pas un goût passager puisque j'en ai écrit sept et que j'en ai encore quelques-uns qui mijotent sur le rond d'en arrière.
Et vous, avez-vu un plusss meilleur roman canadien à vie? Gênez-vous pas si vous avez envie d'en parler ici, ça m'intéresse.
p.s. Je le précise parce que, pour certaines personnes, la chose n'est pas une évidence: Un livre québécois, c'est aussi un livre canadien.

lundi 4 mai 2015

Et les auteurs?




J'aime beaucoup Micheline Duff. On se connaît depuis mes débuts comme écrivaine puisqu'elle a commencé sa carrière en 2000 et que, moi, j'ai publié mon premier roman en 2002. On déjeunait ensemble dans les salons du livre en région et on avait beaucoup à se dire puisqu'on écrivait le même genre de romans.

Micheline publie ce matin un texte d'opinion dans La Presse +.

Même si je pense que le plan d'action du gouvernement va finir par nous aider à long terme, j'appuie tout ce que dit Micheline, étant donné que je vis exactement la même situation.

Voici son texte.  Et les auteurs?

Bonne journée!


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