mercredi 9 septembre 2015

L'oeuvre de science-fiction que j'aurais aimé avoir écrite


Si vous ne connaissez pas cette série, voici la bande-annonce.

S'il y a une oeuvre de science-fiction que j'aurais aimé avoir écrite, c'est Battlestar Galactica. J'avais 11 ans quand on a présenté la première série à la télé. À cause de ça, j'ai voulu pendant un temps devenir pilote de jet militaire. Même si je savais que c'était de la fiction, j'ai longtemps regardé le ciel l'été dans l'espoir de voir arriver ces voyageurs venus de loin. J'ai regardé tous les épisodes plusieurs fois et je vous jure que l'originalité de la série de même que l'humanité des personnages et de cette histoire m'habitent encore, presque quarante ans plus tard. J'ai bien sûr regardé la nouvelle série, celle produite au début des années 2000. Et je l'ai trouvée aussi bonne, même si un peu trop axée sur les effets spéciaux (c'était la mode).


Toutes les productions Battlestar Galactica partagent la même prémisse : dans une partie éloignée de l'univers, une civilisation d'humains vit sur des planètes appelées les Douze Colonies. Dans le passé, les Colonies ont été en guerre contre une race cybernétique, les Cylons. Grâce à un humain appelé Baltar, les Cylons lancent une attaque-éclair sur les Colonies, laissant les planètes et leur population dévastées. Quelques milliers de survivants fuient dans l'espace à bord du premier vaisseau spatial disponible. De toute cette flotte coloniale, le battlestar Galactica semble être le seul vaisseau militaire ayant survécu à l'attaque. Sous le commandement d'un célèbre chef militaire, le commandant Adama, le vaisseau et son équipage prennent en charge le convoyage de la flotte de survivants vers un refuge mythique, la Terre. (Source: https://fr.wikipedia.org/wiki/Battlestar_Galactica)

J'ai souvent dans mon imagination remplacé les épisodes des années 80 (un peu moins bons) par un synopsis de mon cru. Dans ma version, les humains des Douze colonies trouvaient enfin la terre promise, cette mythique Terre qu'ils avaient passés des années à chercher. J'imaginais comment se ferait leur intégration dans notre monde. Je tombais amoureuse de Starbuck, évidemment. Et tout le monde se mélangeait. C'était beau. Trop beau, évidemment, mais il faut se rappeler que j'étais ado.

C'est pas pour rien que je suis devenue écrivaine.

Je n'ai jamais eu de difficulté à m'imaginer à la place de ces personnages qui ont quitté leur planète natale à cause de la guerre. Aucune difficulté à imaginer les privations, les chicanes, la faim qui rend fou, la jalousie, la violence. Et les morts. Et les deuils. 

Je pense beaucoup à Battlestar Galactica depuis quelque temps à cause de la migration syrienne. La marche de ces réfugiées, c'est un peu beaucoup le long voyage des personnages de Galactica. Leur misère, leurs privations, leur souffrance, leurs morts et leurs deuils sont les mêmes. Sauf que ceux-là ne se déroulent pas dans un univers imaginaire. Ils prennent place dans notre monde. Dans notre vie. À notre époque. 

Et je me demande: Pourquoi est-ce que l'Occident, qui a tant tripé sur Battlestar Galactica, n'arrive pas à s'émouvoir devant un scénario identique se déroulant dans la réalité?

Hier matin, aux nouvelles à la radio de Radio-Canada, un journaliste racontait son voyage en train avec les réfugiés de la Hongrie jusqu'en Allemagne. Comme toujours, dans des reportages comme ceux-là, il tendait son micro aux différents passagers, migrants ou non, et recueillait leurs propos. À un moment donné, c'est un Allemand qui parle, en surveillant sa valise. Il se plaint qu'il y a trop de monde dans le train et ajoute que les migrants ne sont même pas douchés.

Oui, vous avez bien lu. Il se plaint que ces réfugiés qui sont sur la route depuis des semaines n'ont pas eu la décence de prendre une douche avant de monter dans son train. Sérieux.

J'ai imaginé plein de choses dans mon scénario de Galactica, mais jamais je n'ai pensé que les Terriens se plaindraient qu'à leur arrivée sur notre planète, ces voyageurs venus de si loin n'aient pas pris le temps de se doucher. J'ai beaucoup d'imagination, mais je suppose qu'elle doit être munie d'un filtre pour m'empêcher d'imaginer une telle bêtise et une telle insensibilité.

Je n'ai pas de solution à offrir en ce qui concerne la crise des migrants. Je ne suis pas assez riche pour en parrainer. Mais il me semble que le moins que l'on puisse faire, quand on sait qu'on ne peut rien faire, c'est d'accepter d'être ému et d'accepter la responsabilité de notre impuissance. Et fermer notre gueule. 

Quand je vois tous ces gens qui affichent un mépris « ostentatoire » envers les réfugiés syriens, une ignorance crasse et une incapacité à comprendre pourquoi on cherche à quitter un pays en guerre (Je voudrais bien les voir, à leur place!), quand on voit ces grandes gueules cracher leur venin, leur haine et leur peur de l'autre sur Facebook et ailleurs, je me rappelle avec tristesse les paroles d'Einstein: 

« Deux choses sont infinies : l’Univers et la bêtise humaine. Mais, en ce qui concerne l’Univers, je n’en ai pas encore acquis la certitude absolue."

Et si c'était 50 000 réfugiés de Galactica qui voulaient débarquer chez nous? 

p.s. Avant de déverser du venin ci-bas, prière de Googler État islamique et Conflit syrien. Vous y découvrirez que le pays est gouverné par un dictateur qui a massacré depuis 2012 une grande partie de sa population pour éviter que se produise chez lui le «Printemps arabe». Vous tomberez peut-être même en bas de votre chaise quand vous apprendrez que le Groupe armé État islamique a envahi la Syrie en 2013 et qu'il  attaque des villages, y massacre les hommes et y capture les femmes qui sont vendues comme esclaves sexuels dans des marchés. Rien ça devrait vous faire dresser le poil sur les bras. Imaginez ça «live», maintenant. Comme dans Galactica, tiens! Pis imaginez le reste. Ou mieux, faites plus de recherche. Pis avant de m'écrire qu'ils doivent retourner dans leur pays «de marde», comme on lit si souvent ces temps-ci sur Facebook, regardez bien de quoi il a l'air, ce pays en ce moment.

Ville syrienne de Kobané en 2015



vendredi 4 septembre 2015

La lecture qui, de fil en aiguille, influence l'écriture d'un nouveau roman

Description du livre sur Wikipédia

Au printemps, je jasais avec mon éditeur de ce projet de roman qui germe dans ma tête depuis dix ans et que je sentais mûr, enfin. Je lui parlais du sujet, plus complexe que ce que j'ai l'habitude de travailler. Il m'a dit: «Faut que tu lises Le Royaume, d'Emmanuel Carrère!» 


Je ne suis pas une personne docile, mais je me suis dit que si mon idée avait fait jaillir le titre d'un autre livre dans l'esprit de mon éditeur, je devais y jeter un oeil. J'ai donc acheté Le Royaume, que j'ai lu aux trois quarts... parce que l'auteur y parle d'un autre livre qu'il a écrit et qui a tellement piqué ma curiosité que je n'ai pas été capable d'attendre pour le lire. Il s'agit de la biographie de Philip K. Dick, Je suis vivant et vous êtes tous morts. J'ai plongé là-dedans avec la délicieuse sensation que ce livre m'était destiné. (Carrère affirme qu'il a eu peu de succès à  l'époque où il est sorti. Je ne comprends pas pourquoi. C'est un bijou!)
Pour les gens qui ne connaissent pas Philip K. Dick, c'est l'auteur de Do Androids Dream Electric Sheep?, le roman à l'origine du film de Ridley Scott, Blade Runner. L'excellent Blade Runner. Le magnifique Blade Runner, que j'ai vu un million de fois. Dont je connais des répliques par coeur, en anglais et en français. Dont je possède les six versions en DVD. Et que j'ai vu au cinéma l'année de sa sortie en salle en 1982. J'avais 15 ans. Je me souviens avoir quitté le cinéma en transe, conquise et avec le goût irrépressible d'écrire de la science-fiction.  
Dans mon bureau d'aujourd'hui, il y a l'affiche du film, laminée 4 pieds de haut par 2 pieds de large. Pas la version originale, malheureusement, mais celle du réalisateur, sortie en 1992.  À l'époque, j'avais même lu le roman de Philip K. Dick. Je n'y avais pas compris grand-chose parce que je manquais de vécu. C'est quand je l'ai relu dix ans plus tard que l'histoire a pris tout son sens. J'ai lu par la suite Substance mort (en anglais et en français en plus de regarder le film avec Keanu Reeves) et j'ai lu SIVA (Ça, ça décoiffe!).
Toujours est-il que la biographie écrite par Carrère, je ne pouvais pas passer à côté. J'ai donc plongé, comme je l'ai dit plus haut, et j'ai émergé trois jours plus tard, haletante, émerveillée et avec l'envie terrible de lire Le maître du haut château, la seule oeuvre de Philip K. Dick qui ait gagné un prix, mais pas le moindre, le prix Hugo de 1963 (prix de science-fiction en langue anglaise).
Et là, je suis presque tombée en bas de ma chaise longue.  Si vous êtes auteurs, vous connaissez sans doute ce feeling: Lire un roman et se dire qu'il contient exactement l'information dont on avait besoin. Dans mon cas, ce fut la structure. Quatre histoires interreliées, mais où aucun des personnages ne croise les autres. Tout se tient, mais seul le lecteur comprend réellement ce qui se passe. Les personnages ne connaissent que des bribes et uniquement ce qui leur était accessible en vertu de leur point de vue.
Vous dire le flash!
Je tiens désormais la structure de mon nouveau roman, informe encore au printemps, mais tout à fait tangible depuis que j'ai lu Le maître du haut château. Je vous le donne en prime: c'est un thriller, un genre que mes lecteurs adultes ne me connaissent pas, mais qui ne surprendra pas le moins du monde mes lecteurs adolescents.

Et vous, des lectures qui tiennent d'un hasard significatif, ça vous arrive ?